Témoignage

Bruno, 53 ans atteint d’une amylose AL


DO RE MI FA SOL : la musique, pour le plaisir et… pour se rééduquer !

Je m’appelle Bruno. J’ai 49 ans au moment du diagnostic en Juin 2015.

Après une longue période de fatigue – avec de plus en plus de difficultés à bouger, à monter en voiture, à me vêtir – est arrivé le jour fatidique où je ne pouvais plus mettre mes chaussettes seul…

Plusieurs rendez-vous chez mon médecin de famille : aucune analyse, aucune recherche de diagnostic. Il me prescrit des décontractants musculaires, et des anti-inflammatoires. Pour lui, c’est passager, probablement lié au stress de mon travail. A l’époque, je suis cadre dans une grande société.

Après environ deux mois de « tâtonnement » mon médecin écrit un courrier pour la médecine interne d’un hôpital proche de chez moi. N’acceptant plus cette situation, je demande à des amis proches si leur médecin accepterait de me rencontrer : il a très bonne réputation mais il est surchargé. Mes « vieux » amis lui en parlent. Rien qu’avec leurs mots pour décrire ma façon d’être, de me mouvoir, … il « pré-diagnostique» une Amylose ou une Myasthénie. Il accepte de me recevoir, me fait faire un bilan sanguin et urinaire. Au regard des résultats, le Dr Garzuel, mon nouveau médecin traitant, m’oriente vers le Professeur Duhaut, de la médecine Interne du CHU d’Amiens. J’appelle un lundi matin, alors que je suis sur mon lieu de travail. L’assistante du Pr Duhaut, qui a compris le caractère d’urgence, prend l’initiative d’ajouter un rendez-vous le jour même. Le Pr Duhaut nous reçoit avec mon épouse. Il me pose tout un tas de questions qui peuvent, pour quelqu’un de cartésien comme moi, ne pas sembler très logiques. Au bout de deux heures, la sentence tombe. Il suspend mon activité professionnelle sur le champ. C’est un choc. En trente ans, je ne me suis arrêté.

Une semaine après, je rentre à l’hôpital en médecine interne pour quatre semaines. Le 18 juin, le diagnostic tombe – enfin je vais savoir -. C’est une amylose. Et plus précisément une amylose AL dite immunoglobulinique. Je suis très bien pris en charge par l’équipe du Dr Royer en hématologie. J’en apprends plus sur cette maladie. Elle est rare, grave, avec des risques évidents…

Le 4 juillet nous démarrons les traitements et je sors de l’hôpital. J’y reviendrai tous les lundis pendant neuf mois, le reste des traitements se faisant à domicile. Durant cette période, je suis suivi en parallèle par le Pr Jaccard, spécialiste de l’Amylose AL du CHU de Limoges, le Professeur Avet-Loiseau à Toulouse.

Et pour trouver des informations sérieuses et fiables, on m’oriente alors vers l’Association Française Contre l’Amylose.

Entre le choc de l’annonce de ma maladie et les traitements, mon moral en a pris un coup…, deux solutions s’offrent à moi : voir le verre à moitié vide, ou voir le

verre à moitié plein. J’aurais pu m’asseoir sur le bord du lit de l’hôpital, me mettre la tête entre les mains et me mettre à « pleurer », mais cela n’aurait rien changé… Alors même si cela n’était pas tous les jours facile, j’ai tout de même fait le choix de toujours voir le verre à moitié plein.

A partir de ce moment-là, sans aucun regret sur mes choix passés, j’ai décidé de m’occuper de moi, de mon épouse, de mes proches, et de ma « nouvelle amie » : mon Amylose… Chaque jour, j’avais une pensée positive pour remercier l’ensemble des personnes qui m’ont aidées à surmonter ce combat et assumer cette nouvelle vie. Comme certains l’ont certainement remarqué et l’ont probablement vécu, le vide se fait rapidement autour de nous lorsqu’on est atteint de quelque chose d’aussi grave. Mais sans être surpris, j’ai remarqué que seuls les vrais amis sont restés eux-mêmes. Mes choix de vie alors étaient plus faciles à faire, éliminer tout ce qui me préoccupait ou m’ennuyait et ne garder que le positif. Si je ne parle pas des traitements c’est un choix délibéré : ceux qui les ont subis « peuvent » comprendre qu’il n’est pas facile d’en parler, ou alors avec d’autres patients ayant connu la même chose. Il nous arrive parfois de vouloir partager avec nos proches nos difficultés, nos angoisses, nos maux, mais les mots ne suffisent pas toujours à traduire ce que l’on ressent.

Rien de tel que quelqu’un qui puisse vous écouter, qui puisse comprendre ce que vous vivez. Dans mon cas, ce fut d’abord Claude Jaillet (de l’Association) qui m’a apporté un regard positif et plein d’espoir sur l’avenir. Mais j’ai également été suivi par l’équipe Psy du CHU d’Amiens, qui reçoit aussi les accompagnants. Car nous ne parlons pas suffisamment des accompagnants qui endurent aussi ces moments difficiles à nos côtés.

Et la musique dans tout cela, … j’y viens. Je suis aussi Ténor, chef de pupitre dans une chorale locale, et ancien Petit Chanteur à la Croix de Bois, alors la musique fait partie intégrante de ma vie… Je ne pouvais plus chanter.

Cela a été le premier choc. Ne plus pouvoir jouer du piano – tellement mes muscles et tendons étaient bloqués – fut le second. Après les traitements, les doigts me faisaient souffrir, je ne pouvais plus écrire tellement j’avais du mal à tenir un objet dans la main. J’ai commencé la kinésithérapie « douce », pour

déverrouiller petit à petit mes muscles et tendons. J’ai entrepris de faire des exercices régulièrement et c’est à partir de ce moment-là que j’ai décidé de refaire des gammes… Je ne parvenais pas à les faire sur un piano alors je montais puis descendais les cinq notes Do, Ré, Mi, Fa, Sol, du pouce à l’auriculaire, doigt par doigt sur le bord d’une table. Main droite, main gauche, puis de plus en plus vite, et lorsque j’ai eu envie de me mettre enfin au piano, cela a été autre chose, car en plus des notes il y avait la « résistance » des touches « lourdes » du piano qui faisaient ressort sous mes doigts. Même si cela a été, et reste à ce jour encore difficile au niveau des douleurs des poignets, des muscles des bras et épaules qui m’empêchent de « pianoter » trop longtemps, le piano m’aura permis de retrouver une souplesse et surtout une dextérité au niveau des doigts…. Et cela m’est bien utile aujourd’hui y compris dans les tâches basiques comme pouvoir taper à l’ordinateur pour mon travail.

Après 26 mois d’arrêt, j’ai pu reprendre une activité professionnelle à mi-temps thérapeutique pour le moment.

Mon objectif : continuer à me battre contre cette amylose, partager mon expérience en tant que patient, ce que je fais avec un « ami » belge, qui m’a contacté grâce à la page facebook de l’association.

Cette maladie m’a appris à être plus cool, plus réfléchi, plus patient. Je dis très souvent que cette maladie m’a appris à être « patient » dans tous les sens du terme… Et même si ce n’est pas simple tous les jours, il est bon de prendre soin le soir avant de s’endormir, de penser à trois points positifs réalisés dans la journée, penser aux personnes qui nous entourent et prennent soin de nous, nos proches, les médecins, professeurs, chercheurs, infirmières, aide soignantes…

Et je me dis aussi que je dois faire tout mon possible pour me maintenir en meilleure forme, et progresser, car il n’y a rien de plus agréable que le sourire des personnes qui vous entourent et qui s’investissent pour vous, lorsqu’elles vous voient aller de mieux en mieux.

Merci au Dr Garzuel, au Pr Duhaut, au Dr Royer, au Pr Jaccard, et aux équipes du CHU d’Amiens, sans toutes ces personnes et bien d’autres encore, je n’aurais pas pu écrire ces lignes.

Et surtout Merci à Elvira, mon épouse, qui, dès le début, et aujourd’hui encore, a su rester à mes côtés pour que quotidiennement notre vie soit des plus agréable et merveilleuse.