Témoignage

Philippe, 65 ans, membre d’une famille touchée par une polyneuropathie amyloïde familiale.


Très lié à cette terrible maladie qu’est l’amylose héréditaire (ma famille étant porteuse de ce gène depuis au moins 3 générations), j’éprouve depuis quelques années le besoin de communiquer à ce sujet avec des personnes concernées. Ayant trouvé récemment votre site sur internet je me permets de vous envoyer ces quelques réflexions.

Mon grand-père, puis mon père, sa sœur, mon frère, sont décédés au fil des années de cette maladie avec à chaque fois le même cheminement douloureux et pour tous, une issue fatale, mais un peu plus de connaissances sur le sujet. En 2001, mon second frère apprend qu’il est porteur du gène et que la maladie débute. La greffe du foie est préconisée et il est inscrit sur une liste d’attente. Début 2002, ma sœur ressent les premiers symptômes et décide de faire les tests nécessaires au Kremlin Bicêtre, dans le service du Pr Adams.

Je me décide à mon tour sans entrain à suivre le même parcours avec des allers et retours longs et pénibles Haute Savoie-Kremlin Bicêtre dont on ne comprend pas toujours l’intérêt. Les résultats sont sans appel, ma sœur est porteuse et je suis le seul à ne pas l’être. Quel sentiment bizarre !

Ma première réaction est de proposer sans hésiter mon foie comme donneur vivant à mon frère qui est toujours en attente et pour qui le temps qui passe n’est pas un allié.

Le temps de la réflexion en famille et des formalités nécessaires, la date est fixée à Novembre 2002. Examens préparatoires, transfusions, formalités administratives, aller-retour Paris-Passy rythment les derniers mois qui nous séparent de l’échéance, avec une seule idée obsédante en tête, la fin d’un cauchemar à répétition et l’espérance dans le futur pour les autres grâce à la réussite de l’opération.

Je pensais déjà au soulagement de mes neveux sous la menace de cette terrible maladie en voyant que la greffe était source d’espoir. Je pensais aux jeunes enfants de mon frère, plein de vie, qui ne verraient pas leur père souffrir. J’échafaudais déjà des plans afin de fêter cette réussite en gravissant le Mont-Blanc avec lui et des membres de l’équipe médicale pour donner un exemple positif fort à toutes les personnes ayant les mêmes problèmes.

Hélas, mon optimisme borné et démesuré n’aura duré que quelques jours. Son décès suite à l’opération m’est annoncé 6 jours après l’opération alors que je suis encore à Paul Brousse dans ma chambre d’hôpital attendant impatiemment de ses nouvelles pour partager avec lui ces moments difficiles mais libérateurs.

Tout s’effondre, je ne suis plus qu’une ombre. La belle histoire tourne en cauchemar. Je rentre chez moi très affaibli physiquement et surtout moralement. Malgré tout je remonte la pente physiquement en quelques mois, et je me jette dans le sport à fond. Moralement c’est beaucoup plus difficile. Aujourd’hui ça va mieux, ma sœur a été aussi greffée mais avec succès. Sa maladie à l’air de se stabiliser malgré ses nombreux ennuis secondaires. Elle reste cependant très handicapée mais indépendante par périodes.

On n’est toujours pas rassurés sur le proche avenir, et je la regarde avec peine se débattre pour vivre dans ses nouvelles difficiles conditions tout en essayant (maladroitement d’ailleurs) de l’aider à surmonter cette épreuve. Le plus dur c’est que à chaque fois que je revois ma sœur, j’ai sous les yeux des images qui me font revivre des instants douloureux. Je suis inquiet également pour les jeunes de ma famille pour qui persiste le doute de revivre un jour cette histoire pour l’instant sans fin. Je reste malgré tout confiant dans les progrès de la médecine et j’espère qu’un jour ces tourments seront finis et que tous mes neveux (et les autres personnes concernées) pourront regarder l’avenir sereinement.

Les diagnostics pouvant être réalisés suffisamment tôt, peut-être faudrait-il pouvoir agrandir le cercle des donneurs vivants pour donner plus d’opportunités de greffes avant détériorations graves des organes vitaux des malades. Je garde malgré tout de ces événements, le souvenir des visages des personnels soignant ou administratif que j’ai rencontrés à Bicêtre et à Paul Brousse. À toutes ces personnes que je remercie pour leur patience, leurs sourires et leur soutien, je dis bon courage, en souhaitant qu’ils puissent continuer leur travail avec la même passion, la même gentillesse et le même professionnalisme dont ils ont fait preuve.

Le 9 juillet 2008, il complète son témoignage :

Aujourd’hui, malgré le décès de ma sœur (Février 2008), je garde espoir dans les progrès de la recherche. J’ai aussi compris que l’implication de l’association est primordiale dans l’application et le suivi des mesures prises par le Ministère de la Santé. Il est également aussi important que chaque personne concernée de près ou de loin par ce fléau, comprenne l’importance

de s’unir pour des échanges constructifs et positifs en soutenant activement l’Association.

J’espère également que malgré les changements d’équipes médicales, les différences de point de vue entre «spécialistes » et les problèmes relationnels, tous les membres actuels et futur du comité scientifique travailleront dans la plus large concertation (pour ne pas dire en complète harmonie) dans l’intérêt général du progrès médical, du bien être des patients, de leurs familles et aussi de l’ensemble du personnel soignant.

Le 08 juin 2020

J’ai revu hier, mon neveu Benoit (fils de ma sœur décédé en 2008), atteint à son tour de la neuropathie et double greffé cœur foie depuis quelques années. Même si rien n’est encore simple pour lui et qu’il a toujours des hauts et des bas, sa bonne santé actuelle me redonne de l’espoir pour l’avenir de toutes les personnes concernées par cette maladie.

Je tiens particulièrement à remercier encore et encore vivement et très sincèrement, tous les membres de l’association, anciens et nouveaux pour leur implication au service de cette cause.

Quel fabuleux travail accompli par Yves Ghiron, Françoise Pelcot, Andrée Boyer, Mireille Clément et Jean Christophe Fidalgo depuis toutes ces longues dernières années. Quel soulagement de voir qu’ils ont été rejoints par de nombreux nouveaux bénévoles dévoués.

Merci encore à tous et également à toutes les personnes impliquées dans le comité scientifique que je félicite vivement pour les progrès accompli dans la lutte contre l’Amylose en général. Sans oublier l’ensemble des personnels hospitaliers que j’ai rencontrés ou qui se sont occupés de ma famille au cours de ces années passées .