Paul, 72 ans atteint d’Amylose héréditaire à transthyrétine hATTR
L’hérédité peut être un poids. Dès l’annonce de ma maladie, une amylose héréditaire, j’ai fait une vraie crise d’angoisse. J’ai d’abord vécu ce qu’on appelle une période d’errance diagnostique. Impossible de savoir quel mal me rongeait. Je vivais dans l’incertitude et le doute. Puis le verdict est tombé. Cet adjectif «héréditaire » m’a fait faire immédiatement le rapprochement avec les souffrances qu’ont endurées ma mère et ma grand-mère pendant un bon quart de leur vie.
À ce moment-là, le moral flanche instantanément, et dans les heures qui ont suivi, je me rappelle avoir pris sur moi la force de rédiger une lettre d’adieu destinée à mes proches. Le poids de l’hérédité c’est tout d’abord l’angoisse de devoir passer par là où ses parents sont passés mais c’est aussi la culpabilité d’avoir transmis une maladie redoutable à sa descendance.
Quel message doit-on passer à ses enfants ? Aucun ? Avec le risque qu’ils l’apprennent fortuitement et se placent dans le déni. Mon épouse et moi avons décidé, progressivement en fonction de leur âge, de leur expliquer ce qu’était une maladie héréditaire. S’entendre poser des questions sur le sens même de la vie, la réticence à se faire faire des tests génétiques ou à vouloir du conseil de la part de praticiens, voilà les situations auxquelles nous avons dû faire face.
Leur passer le relais pour qu’en toute objectivité ils puissent éventuellement accompagner un nouveau-né vers la vie alors que son destin pourra être lui aussi menacé par une maladie grave… Tel est l’enjeu.
Vers le versant constructif de la culpabilité. Lorsque l’on sait que l’on « y est pour quelque chose » mais que le corps médical a su vous accorder un sursis de déjà 9 années de vie presque normale grâce à une double greffe foie-coeur, on n’a pas le choix, il faut se responsabiliser et prendre le versant « constructif » de la culpabilité. Personnellement, j’ai pu oublier les fins de vie de ma mère et ma grand- mère et trouver les ressources pour essayer de comprendre le mal qui me rongeait. Et mon entourage y a joué un grand rôle. J’ai essayé d’amasser un maximum d’informations sur ma maladie, une bonne part d’entre-elles me ramenant d’ailleurs à l’hérédité.
La connaissance soulage. Il y a 10 ans, la consultation de l’un des rares sites en français – amylose.asso.fr – m’a fait comprendre que je n’étais pas seul. J’y ai trouvé une bonne synthèse d’informations sur l’amylose validées par les meilleurs spécialistes. J’ai pu constater que la recherche avançait avec l’espoir que ma maladie rare puisse un jour trouver son traitement mais pas que !
J’ai aussi découvert qu’au sein de cette association pour malades se développait, autour des amyloses, tout un écosystème où chacun pouvait avoir sa place pour y trouver un réconfort. Il y a aussi une opportunité à saisir : passer de spectateur à acteur de sa maladie en faisant partie ou étant près de ceux qui font face et anticipent les vrais problèmes.