Témoignage

Joseph, atteint d’une Amylose sauvage (ex sénile) TTR


Ce qui nous réunit avec cette revue de l’AFCA, c’est une maladie qualifiée, il y a encore peu de temps, de rare et orpheline.

Rare, elle ne l’est malheureusement pas. Le progrès de la médecine l’a désormais bien identifiée. Et nous sommes plus nombreux chaque jour à être reconnus comme atteints d’amylose.

Orpheline, elle ne l’est fort heureusement plus. Les centres hospitaliers de référence qui se consacrent à cette maladie, dont Mondor avec le Professeur Damy qui me suit, et avec l ’appui et l’apport des laboratoires pharmaceutiques, ont identifiés des traitements qui s’avèrent efficaces.

En ce qui me concerne, je suis atteint d’une amylose sauvage (ex sénile) TTR. Agé de 76 ans en 2019, j’avais 73 ans quand elle a été suspectée, soit seulement 9 mois après mon départ en retraite, et 74 ans quand elle a été confirmée.

Ce texte n’a pas d’autre ambition que de constituer un témoignage de mon vécu avec cette maladie depuis trois ans. Trois années que j’ai traversées en passant par des phases de déni, de révolte, de combat, et qui m’ont permis de

progressivement l’appeler : Amylose, Amie Lose, Ami l’Ose. Une maladie, trois orthographes. Vous comprendrez pourquoi.

Début 2016, je faisais partie de ceux dont on dit – qu’ils ont une santé de fer et tout pour être heureux – .

Cadre dirigeant récemment en retraite, marié depuis 51 ans, père de 3 enfants, grand-père de 11 petits enfants, sportif avec 5000 km en vélo par an dont le Mont Ventoux à 70 ans avec mes deux fils et mon gendre, skieur de bon niveau, voyageur au long cours du Botswana au Machu Pichu. La visite annuelle de contrôle chez mon cardiologue avant l’été pour vérifier l’état de la « machine » se terminait même par un « tout va bien et vous avez un cœur gros de sportif ». En juillet 2016, petit bémol du cardiologue. Il constate que mon cœur a anormalement grossi. Il pense à une amylose, mais ne m’en parle pas tout de suite et me demande de faire des examens complémentaires.

C’est à cette époque que la période de déni a commencé. Déni qui s’est accru avec une intensité proportionnelle à la fréquence des examens successifs. ECG, ECG d’effort avec scintigraphie, coronarographie, IRM.

Et pour finir l’annonce d’une suspicion d’amylose après une scintigraphie osseuse en décembre 2016. Je ne connaissais pas le mot, ni ce qu’il recouvrait. Je commets l’erreur d’aller sur internet où je découvre que le pronostic vital de cette maladie est de 4 ans !

Le Déni !

Voici ce qui nous passe par la tête durant cette phase.

  • C’est pas possible !
  • C’est une erreur !
  • J’ai toujours été en bonne santé !

Le Déni.

Sauf qu’en janvier 2017 je suis obligé de descendre de mon vélo avec un pouls à 200, que j’ai d’abord attribué à mon cardio fréquencemètre certainement devenu défectueux. En fait : ambulance pompiers – hôpital Mignot Versailles – pose d’un Pacemaker, suivi en avril d’un OPA, où j’ai vu non pas la mort arriver mais la vie partir, avec à la clé un électrochoc cardiaque. La révolte grondait en moi et elle a explosé en juin 2017 quand, après analyses génétiques, biopsie glande salivaire, le verdict tombe à Mondor : Amylose sénile TTR.

La révolte !

  • Ce n’est pas juste !
  • J’ai eu une vie saine : Famille – Travail – Sport !
  • Jamais fumé ! Alimentation équilibrée ! Alcool modéré ! –

En un an j’ai subi plus d’examens que ma vie durant.

La révolte.

Dans cette période de révolte, d’incompréhension, mon épouse, mes enfants, mes petits-enfants, mes amis et le corps médical, m’ont beaucoup aidé en relativisant cette succession de mauvaises nouvelles. Ils m’ont notamment fait comprendre que si on se regarde, on se désole mais si on se compare, on se console. Ils m’ont aidé à déclencher le combat pour me relever de ce choc.

Le combat !

Le déclic a eu lieu au cours d’une visite chez ma rythmologue qui me voyait stressé, inquiet, appréhender la mort. Elle m’a très calmement dit « ne vivez pas dans votre maladie mais avec ».

C’est à l’issue de cet entretien qu’est né le concept d’Amie / Lose, qui m’a inspiré le titre de ce témoignage. J’ai réécrit cette maladie en y remplaçant la lettre « Y » par « i » et j’ai séparé le mot en deux. Amie/Lose. C’est une dissociation entre Amylose (dans la maladie) et Amie Lose (avec la maladie).

A partir de ce qui était un calembour, petit à petit s’est installée une forme de dichotomie. Le Professeur Damy avec son équipe Mondor et les laboratoires Pfizer avec Tafamidis, s’occupent de mon amylose et le soldat Joseph apprend à vivre avec son Amie Lose qui est entrée dans sa vie.

Le Résultat de ce processus ?

  • Pour l’Amylose, au sens premier du terme et de l’orthographe : je fais totalement confiance aux équipes médicales pour les traitements.
  • Pour mon Amie Lose que j’écris au sens de camarade Lose : les équipes médicales me font confiance pour gagner notre bataille parce que je tiens tête à cette intruse.

Nous, malades, laissons-nous porter les yeux fermés par le corps médical qui traite l’amylose, et consacrons notre énergie pour apprendre à vivre avec elle.

Vous, corps médical, mettez nous en confiance et aidez nous à apprivoiser cette mégère Amie Lose. Dans la campagne où je suis né on disait – chacun chez soi et les vaches seront bien gardées -. Donc à chacun son combat !

Pour gagner ce combat, j’ajouterai qu’il faut oser. Oser regarder la maladie en face pour ne pas retomber ni dans la révolte, source d’anxiété, ni dans le déni, début de la résignation. Je me suis pour cela adjoint le soutien de mon Ami l’OSE.

Nous malades :

  • Osons dire quand l’angoisse nous envahit. Descartes a écrit : « J’ai trouvé un moyen bien plus simple de conserver la vie, c’est de ne pas craindre la mort ». Nous sommes tous nés mortels en vertu de cette loi biologique : la vie est une maladie mortelle sexuellement transmissible. En ce qui me concerne, je sais que je mourrai mais ce n’est pas l’Amylose qui me prendra ma vie.
  • Osons dire la vérité quand nous nous sentons fatigués, essoufflés, courbaturés, abattus, le moral en berne.
  • Osons dire aussi, sans superstition, quand ça va bien, quand ça va mieux, quand on le moral. Le corps médical se sent motivé et encouragé si nous osons dire l’un et l’autre. Il est parfaitement apte à discerner la crédibilité quand nous ne jouons qu’un registre.
  • Osons demander, en retour, que le corps médical ose nous dire la vérité, et qu’il nous regarde chacun comme un cas particulier qui forme le tout pour leur profession.

P.S. Aux dernières nouvelles je me sens bien et vais de mieux en mieux. Merci à tout le corps médical, de la femme de ménage des chambres aux Professeurs ! Merci à l’AFCA pour ses combats.