Pr. Arnaud Jaccard
Pr. Arnaud Jaccard
Contrairement à d’autres formes d’amylose, l’amylose AL n’est pas une maladie
héréditaire mais une maladie acquise.
L’amylose AL (ou immunoglobulinique) est une maladie rare liée aux dépôts dans différents organes d’une partie (la chaîne légère) d’un anticorps anormal dit monoclonal sous formes de fibrilles. Les fibrilles sont insolubles et se déposent dans les organes en gênant leur fonctionnement normal.
Ces dépôts peuvent toucher tous les organes sauf le cerveau et les symptômes sont donc très variés en fonction de l’organe atteint.
Les plasmocytes et les lymphocytes B produisent des anticorps, ou immunoglobulines, outils de défense de l’organisme. Ils sont constitués de deux chaînes lourdes et de deux chaînes légères, au niveau de la moelle de tous les os.
Parfois un plasmocyte ou un lymphocyte B peut devenir immortel, se multiplier et donner des clones. Tous les plasmocytes ou lymphocytes B qui en sont issus produisent donc un même anticorps qui est alors dit monoclonal. La plupart du temps cela n’a pas de conséquence mais, environ une fois sur cent, les chaînes légères — sous-parties de l’anticorps monoclonal — peuvent s’empiler les unes sur les autres pour former des fibrilles qui constituent les dépôts d’amylose.
Nouveaux cas en france / an 500 à 700
Age moyen du diagnostic +/- 65 ans
L’ immunoglobuline monoclonale simple est un phénomène assez fréquent dont la
fréquence augmente avec l’âge et qui survient chez 5% des gens vers 60 ans et jusqu’à 10% des gens de plus de 80 ans.
Le myélome est un cancer hématologique bien plus rare mais quand il est associé à une amylose il n’est en général pas évolutif, ou peu actif, on parle alors de myélome indolent.
Ils sont multiples et dépendent du ou des organes atteints.
Le rein est un filtre chargé d’éliminer les toxines produites par l’organisme présentes dans le sang. Les dépôts d’amylose détériorent ce filtre qui va alors laisser passer des protéines qui en général ne passent pas dans les urines, en particulier l’albumine.
L’organe le plus souvent
touché est le rein,
chez plus de 2/3 des patients
La perte urinaire d’albumine fait baisser son niveau dans le sang et donne des œdèmes, au niveau des jambes ou plus disséminés. Après un certain temps d’évolution le rein va fonctionner de moins en moins bien et une insuffisance rénale va s’installer pouvant parfois rendre nécessaire la pratique d’une dialyse.
L’atteinte du cœur est l’atteinte la plus grave, présente chez environ 60% des patients. Les dépôts d’amylose vont épaissir le muscle cardiaque et le rendre moins souple. La conséquence est une atteinte cardiaque qu’on dit restrictive parce que le cœur a du mal à se remplir et le débit cardiaque va baisser entraînant une fatigue et un essoufflement, d’abord à l’effort puis au repos.
Lire plusEnviron 20% des patients ont une atteinte neurologique qui se manifeste par des sensations anormales au niveau des pieds puis des jambes, des cuisses et des mains.
L’atteinte des nerfs peut aussi entraîner des troubles digestifs et une baisse de la tension artérielle quand on passe de la position couchée à la position debout entraînant une sensation de malaise et éventuellement des chutes.
Le tube digestif peut également être atteint avec des diarrhées ou une constipation et des saignements. La langue peut être le siège de dépôts d’amylose qui la rendent plus épaisse et qui peuvent modifier le goût des aliments.
La présence d’amylose au niveau des petits vaisseaux sanguins de la peau est responsable de saignements en particulier au niveau des zones qui bougent comme les paupières qui peuvent être le siège d’hématomes très évocateurs du diagnostic d’amylose.
Toutes ces formes d’amylose AL sont dites systémiques parce qu’elles atteignent différents organes par le dépôt des chaînes légères. Il existe également des formes d’amylose AL localisées où une petite population de cellules produit une chaîne légère monoclonale qui se dépose autour de ces cellules sans dissémination. Ces formes sont plus rares et en général moins graves, elles ont le plus souvent une seule localisation : la conjonctive de l’œil, le larynx ou les bronches, la vessie, le tube digestif etc…
Le diagnostic nécessite une biopsie. L’amylose est reconnue sur les biopsies grâce à la coloration au Rouge Congo. Il faudra ensuite faire un typage pour différencier une amylose AL d’une autre forme, en particulier héréditaire.
Une fois le diagnostic d’amylose fait, il faut préciser quelle est la maladie hématologique responsable de la production des anticorps monoclonaux et cela nécessite souvent une ponction de la moelle au niveau du sternum (myélogramme) et d’autres examens biologiques.
Il faut ensuite faire le bilan précis des organes atteints par l’amylose, en particulier le cœur avec une échographie cardiaque, éventuellement une IRM cardiaque, un dosage des marqueurs sanguins d’atteinte cardiaque, BNP ou NT-proBNP et troponine, un électrocardiogramme et quelquefois l’enregistrement du rythme cardiaque pendant 24 heures (Holter-ECG).
D’autres examens seront faits pour évaluer le fonctionnement du rein et du foie, dosage de la créatinine sanguine, de l’albumine, de la protéinurie, bilan hépatique. Des examens d’imageries pourront être faits, échographie abdominale ou scanner.
Les traitements visent d’abord à éliminer les cellules qui fabriquent les anticorps monoclonaux par des protocoles de chimiothérapie le plus souvent dérivés de ceux du myélome. Les plus utilisés sont le MDex et le VCD.
Le MDex est une association de deux médicaments : le Melphalan (aussi appelé Alkeran) et la dexaméthasone qui est un corticoïde puissant.
Le VCD est une association de bortezomib (ou Velcade), de cyclophosphamide (ou Endoxan) et de dexaméthasone. Le bortezomib peut aussi être ajouté au MDex en cas de réponse insuffisante.
L’efficacité du traitement est surveillée sur le dosage des chaînes légères libres fait sur une prise de sang. Pour que les atteintes d’amylose s’améliorent il faut que les chaînes légères baissent le plus possible. Le test de mesure des chaînes légères libres doit être fait si possible à l’hôpital puisqu’il n’est pas remboursé et qu’il est à la charge du patient quand il est fait dans un laboratoire de ville.
Lire plusQuand une bonne réponse est obtenue avec une baisse suffisante du taux des chaînes légères libres, les atteintes d’organe vont s’améliorer plus ou moins rapidement en fonction des organes et de façon différente entre les patients.
Chez les patients qui ne répondent pas (pas de baisse suffisante des chaînes légères libres) ou qui rechutent, d’autres molécules peuvent être utilisées, en particulier de la catégorie des IMID. La plus utilisée est le lenalidomide (ou Revlimid) en général associé à une prise de dexaméthasone par semaine.
Plusieurs nouveaux médicaments sont en cours d’essai pour traiter les amyloses, le plus prometteur est un anticorps monoclonal, le Daratumumab, produit en laboratoire pour reconnaître et éliminer les plasmocytes, les cellules qui produisent les chaînes légères. Il est actuellement testé dans un protocole en France chez les patients en réponse insuffisante après traitement.
Enfin plusieurs traitements pour éliminer plus rapidement les dépôts d’amylose sont en cours de développement. Plusieurs essais thérapeutiques utilisant des anticorps reconnaissant de façon directe ou indirecte les dépôts d’amylose et susceptibles de recruter les cellules de l’immunité pour éliminer les dépôts d’amylose, ont été menés ou sont en cours. Le NEOD001 était le plus avancé mais 2 essais ayant inclus plus de 300 patients n’ont pas permis de démontrer son efficacité dans les atteintes cardiaques et le produit a été retiré par le laboratoire qui le développait. Deux autres anticorps sont en cours d’essai, en Angleterre et aux Etats-Unis.
Le suivi est fondamental dans la prise en charge d’un patient avec une amylose AL.
Un suivi pendant le traitement pour vérifier qu’il est efficace avec le dosage des chaînes légères libres dans le sang (ou de l’anticorps monoclonal si les chaînes légères ne sont pas élevées au moment du diagnostic) à chaque cycle de traitement et les différents examens biologiques pour vérifier qu’il est bien toléré.
Un suivi après le traitement tous les deux à trois mois pour dépister une rechute avec l’augmentation des chaînes légères libres qui pourrait faire reprendre le traitement.
Un suivi pendant et après le traitement des différents marqueurs pour rechercher une amélioration des organes atteints par l’amylose. Le pronostic de l’amylose AL est très dépendant du type et de la gravité des atteintes d’organe, en particulier cardiaque, et s’est beaucoup amélioré depuis une quinzaine d’années avec l’introduction des nouvelles molécules (bortezomib, lenalidomide etc…) qui permettent d’obtenir une réponse hématologique (c’est-à-dire sur les chaînes légères libres) chez plus de 80% des patients.
Si les patients avec les atteintes cardiaques les plus graves peuvent encore malheureusement décéder en quelques semaines, la survie des autres patients est très bonne avec le plus souvent une amélioration progressive des atteintes d’organes si le traitement a été débuté avant que des dégâts irréversibles n’aient été causés par les dépôts d’amylose.